Nineteen
Quand j’étais petite je voulais être princesse, un rêve de petite
fille, un vrai. Après j’ai voulu être fleuriste ou archéologue parce que l’idée
de découvrir des secrets millénaires me passionnait ou pâtissière parce que la
gourmandise est mon vilain défaut ou actrice parce que c’est comme ça. Je
ressemblais à Shirley Temple, mon père me le répétait sans cesse et l’année
dernière, quand un prof m’a rappelé à l’ordre d’un « arrêtez de faire cet
air de Shirley Temple » ça m’a fait sourire… finalement elle me suit cette
Shirley.
Quand j’étais petite, je croyais que les marques blanches laissées
par les avions dans le ciel étaient tracées exprès. Un coup de craie sur le
grand tableau de l’univers. Les « avions craie », je les appelle
toujours comme ça d’ailleurs. Je croyais aussi que chaque chanson qui passait à
la radio était jouée en live par les groupes en question, c’était plutôt gentil
de leur part de venir jouer rien que pour nous non ? depuis l’idée de l’enregistrement
des morceaux sur disque a fait son chemin, sûrement pour ça que je les aime
tant mes disques…
Maintenant, j’ai mis au rayon « souvenirs » une bonne
partie de mon enfance, mais on ne devrait jamais oublier celui ou celle qu’on a été
autrefois. Celui qui avait des rêves irréalisables, qui inventait ses propres
mots, qui gribouillait des dessins atroces, qui faisait des colliers de
nouilles pour cette même maman qu’il allait traiter de tous les noms quelques
années plus tard. Celui qui avait encore quelques belles années d’insouciance avant
de se heurter à une réalité plus âpre.
Maintenant, j’essaye tant bien que mal de conjuguer avec cet
extérieur qui ne me plait pas tant que ça. Les utopies c’est bien joli mais ça
ne fait pas avancer le schmilblick. Les rêves aussi ça l’est mais ça devient
bien dur de trouver mon compte. C’est douloureux le renoncement, ça l’est deux
fois plus aujourd’hui pour moi. Alors si quelqu’un trouve « mon compte »
j’aimerais qu’il me le rapporte, je l’ai malencontreusement perdu. J’irais demain mettre des
affichettes sur les poteaux dans mon quartier.
Tout ça parce qu’une nouvelle année s’achève sans que j’ai pu tenir
les promesses que je m’étais faites. J’ai vraiment fait de mon mieux, j’ai mis
tout mon cœur pour réussir là où j’avais échoué mais j’ai pas réussi. Alors je me perds
un peu plus aujourd’hui qu’hier. J’hésite à suivre exactement le même chemin qu’il
y a un an, encore un grand coup d’éponge pour effacer les horizons que je m’étais
donné, une nouvelle vie et encore de la couture à faire sur un cœur que je m’acharne
à émietter.
Peut être même que je jouerai mon avenir à pile ou face, ça me
ressemble bien ce genre de folie...
... mais j'aimerai pas la décevoir, elle, Shirley.