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Sean Lennon - Dead Meat [Friendly Fire album]
Il fut un temps, vers le milieu des années 80, lorsque dans la famille
Lennon on demandait le fils, on écopait de Julian, l’aîné. Autant dire
la mauvaise pioche. Sa ressemblance troublante avec son illustre
géniteur et son talent très relatif ne lui donnaient aucun espoir
d’être pris au sérieux par la critique et même par le public. Deux
petits tubes, Too late for goodbyes et Valotte, et puis s’en est allé. Ou plutôt, il se contente de publier épisodiquement des disques dans l’indifférence générale. Vingt
ans plus tard, Sean, son petit demi-frère, n’a pas l’intention de se
laisser faire. Celui qui a à peine connu son père – il avait 5 ans
quand John fut assassiné – a d’évidence hérité du caractère affirmé de
sa mère, l’injustement honnie Yoko Ono, et appris à prendre son temps. Huit ans après un premier album plus intéressant qu’abouti enregistré sous l’influence de ses copains branchés new-yorkais (Money Mark, Cibo Matto, les Beastie Boys), Sean publie, sans complexes, un album qui lui ressemble sûrement beaucoup plus. Ou, du moins, à ce que l’on attendait de lui : un disque de pop songs délicates et ouvragées dans la directe lignée de ses gènes chargés. Friendly Fire, dominé par le piano et les mélodies fluides du trentenaire, évoque sans ambiguïté les grandes heures de John Lennon et, plus encore, de… Paul McCartney ! Comme un pied de nez adressé à ceux qui s’évertuent à renvoyer dos à dos les deux forces créatrices du Fab Four, Lennon junior libère la sève beatlesienne qui coule dans ses veines. Evidemment, il y en aura toujours pour lui reprocher une certaine mièvrerie ou de singer sa matrice sacrée. Les mêmes qui s’extasient généralement dès qu’un autre s’essaie avec plus ou moins de bonheur à une pop sous haute influence des quatre de Liverpool. Sean fait bien de les ignorer. Car, pour peu que l’on se laisse bercer par leur subtil mélange de préciosité et de savoir-faire, on n’a pas fini de savourer ces dix petits morceaux, ouvragés mais sans excès (on songe parfois au regretté Elliott Smith), Wait for me, Parachute et Headlights en tête. Sans oublier une reprise d’un titre obscur de Marc Bolan, Would I be the one. C’est dire si le garçon, en plus d’être bien né, est loin d’avoir mauvais goût.
(Source : Télérama)
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